Alexandre Doisy, vainqueur en 1998,
professeur au CRR de Grenoble,
est conseiller artistique chez Vandoren

CV- Alexandre Doisy, vous avez gagné le deuxième concours international de saxophone de Dinant. Etiez-vous candidat lors de la 1ère édition ?
AD- Non. Quand je me suis porté candidat en 1998, je n’avais que 18 ans. A 14 ans, je n’avais ni l’âge ni le niveau.
CV- Que représentait ce concours pour le jeune de 18 ans que vous étiez ?
AD- En général, un concours bâtit sa réputation au fil du temps. Ce concours n’en était qu’à sa deuxième édition mais il bénéficiait déjà d’un label de grand concours et j’étais enthousiaste à l’idée d’y participer avec la ferme volonté d’y prendre de l’expérience.
CV- Comment s’est déroulé pour vous cet événement ?
AD- C’était très confortable pour les participants. Nous étions logés dans des familles, ce qui apportait une touche d’intimité profitable. Tout était fait pour que les candidats se sentent le mieux possible et le cocon créé par cet hébergement particulier était libératoire. Notre environnement était très encourageant et positif. Au-delà de l’aspect compétition, il y avait aussi la réalité d’un rassemblement de saxophonistes.
CV- Votre victoire vous a-t-elle surpris ?
AD- J’allais surtout à Dinant pour me frotter aux autres et pour découvrir le cadre de l’événement. J’ai pris les tours les uns après les autres, les éliminatoires puis la demi-finale et la finale. Je garde un vrai bon souvenir de la demi-finale. J’étais très satisfait de ma prestation, ce qui me donnait des raisons d’espérer.
CV- Cette victoire vous a-t-elle changé ?
AD- Elle a été une étape parmi d’autres, avec bien sûr une saveur particulière. C’était le premier concours de cette importance auquel je participais. Je venais d’avoir mon prix au CNSMDP et j’étais dans une phase d’évolution radicale. Dinant s’est inscrit dans cette dynamique.
CV- Avez-vous présenté ensuite d’autres concours ?
AD- Oui. En 2001, à 21 ans, j’ai obtenu le 2ème prix du concours de l’ARD à Munich (pas de 1er prix), un concours qui n’est pas spécialisé dans le saxophone et dont le propos est plus large sur le plan musical. Une chance ! Car il n’y a plus eu de catégorie saxophone depuis. J’ai gagné le concours Jean-Marie Londeix en Thaïlande sept ans plus tard, en 2008. C’est un concours beaucoup plus tourné vers la musique contemporaine. A mes yeux, ces trois concours sont assez complémentaires.
CV- Le fait d’avoir gagné à Dinant a-t-il apporté quelque chose au saxophoniste professionnel que vous deveniez ?
AD- Il y a une reconnaissance du milieu dont je continue de profiter encore aujourd’hui. Mais on ne vit pas sur un passé, sur un CV. Il faut continuer d’être actif.
CV- Quel conseil donneriez-vous aux candidats de 2019 ?
AD- Commencer la préparation du concours le plus tôt possible et l’envisager avec un maximum de cohérence. Dans les partitions proposées par l’organisation, il y a les œuvres imposées et celles que l’on peut choisir parmi un éventail de possibilités. Ce choix-là doit être fait avec intelligence et doit aller dans le sens de cette cohérence.
CV- Pourquoi des concours ?
AD- Pour les musiciens, un concours a plusieurs vertus. La première est d’être un moteur d’expérience. Préparer un programme exigeant en un temps tout de même limité avec la diversité d’esthétique qu’il propose, avec une prestation où le solo coexiste avec l’accompagnement au piano et pour les lauréats avec l’orchestre, fait nécessairement progresser. Même pour ceux qui ne dépassent pas le stade des éliminatoires, passer un tel concours est un acte positif qui permet de mieux se connaître. Quand on le gagne, cela accélère, par la visibilité qu’elle apporte, le processus de reconnaissance par la communauté des musiciens. La communication actuelle, avec l’usage des réseaux sociaux, met en scène les candidats de façon plus intense que lorsque j’ai gagné en 1998. Toutes les phases du concours de Dinant sont accessibles sur le web et il est dès lors possible de suivre un candidat à distance.

La seconde vertu d’un concours est de constituer un moment de fête, de fête « musclée » sans doute, mais de fête quand même. On y rencontre d’autres talents, on élargit le cercle de ses fréquentations, on noue des relations utiles pour la carrière. C’est une sorte de « hub » bénéfique autour de l’instrument.
CV- Si Alexandre Doisy entreprenait de mettre sur pied un concours, quelle en serait l’ambition ?
AD- Aujourd’hui, il manque à mes yeux une offre suffisante de concours intermédiaires pour les jeunes élèves. Le concours Adolphe Sax de l’Haÿ-les-Roses va dans ce sens. Bien sûr je parle là en tant qu’enseignant puisque j’enseigne le saxophone au CRR de Grenoble. Sur un autre plan, par rapport aux récompenses lors des grands concours, plutôt que de l’argent, des instruments et des accessoires, peut-être pourrait-on réfléchir à des engagements pour des festivals, à des engagements temporaires dans des orchestres de façon à amorcer la carrière professionnelle.